Tuesday, October 26, 2010

Citation du 27 octobre 2010

Se taire est dans le camp de la réflexion, c'est savoir parler, notamment de toute autre chose

Kierkegaard – Journal

Ce dont on ne peut parler, il faut le taire.

Wittgenstein – Tractatus logico-philosophicus (Voir ici)

Citation ambiguë : s’agit-il de dire que pour se taire, il suffit de parler d’autre chose ?

Ou bien que se taire c’est comme parler de ce dont on ne parle jamais ?

En réalité, on devrait je crois articuler ces deux interprétations :

- D’abord, il faut renoncer non à parler, mais à parler de ce qu’on ne saurait dire.

- En suite, ce qui compte, c’est non pas de se taire, mais de savoir qu’est-ce qui doit être tu.

De toute façon, on n’est pas simplement dans le cadre de la pensée de Wittgenstein, puisque la citation de Kierkegaard ajoute une autre idée : le silence n’est pas là pour signaler une lacune, mais pour rendre possible autre chose : la réflexion.

Nous voici arrivés à l’essentiel : se taire est la condition de la réflexion.

Qu’est-ce donc en effet que réfléchir ? Réfléchir, c’est la même chose que méditer, et c’est la même chose que penser : tout cela, comme le dit Platon, c’est dialoguer avec soi-même.

Qu’est-ce donc que penser ? La pensée est "un dialogue invisible et silencieux de l'âme avec elle-même » (Platon – Sophiste), et on comprend bien que si l’on dialogue avec soi-même on ne peut le faire avec autrui – sauf à entrer dans le dialogue socratique, mais on remarque très vite que l’interlocuteur de Socrate n’est pas là pour faire avancer la recherche. Il sert en réalité à rendre audible le dialogue que Socrate entretient avec lui-même

Qu’est-ce donc que méditer ? (Re)lisez les Méditations métaphysiques : vous verrez que Descartes y développe un dialogue en discours indirect (mais parfois simplement en éliminant les alinéas qui en feraient un véritable dialogue (1)).

On a déjà ici même souligné combien le véritable dialogue était difficile à nouer faute le plus souvent de trouver l’interlocuteur avec qui nous pourrions produire une « pensée à deux ».

On voit ici que la solution consiste alors à jouer les deux rôles ne même temps.

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(1) – Voyez, sur cet extrait de la Méditation seconde, combien il serait facile de restituer un véritable dialogue : « Mais que sais-je s'il n'y a point quelque autre chose différente de celles que je viens de juger incertaines, de laquelle on ne puisse avoir le moindre doute? N'y a-t-il point quelque Dieu, ou quelque autre puissance, qui me met en l'esprit ces pensées? Cela n'est pas nécessaire; car peut-être que je suis capable de les produire de moi-même. Moi donc à tout le moins ne suis-je pas quelque chose? Mais j'ai déjà nié que j'eusse aucun sens ni aucun corps. J'hésite néanmoins, car que s'ensuit-il de là? Suis-je tellement dépendant du corps et des sens, que je ne puisse être sans eux? Mais je me suis persuadé qu'il n'y avait rien du tout dans le monde, qu'il n'y avait aucun ciel, aucune terre, aucuns esprits, ni aucuns corps; ne me suis-je donc pas aussi persuadé que je n'étais point? Non certes, j'étais sans doute, si je me suis persuadé, ou seulement si j'ai pensé quelque chose. »

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