Tuesday, October 18, 2011

Citation du 17 octobre 2011

Toute la science de la politique se réduit aujourd'hui à la statistique : c'est le triomphe et le chef-d’œuvre du petit esprit. On sait au juste (et j'en ai vu faire la question officielle) combien dans un pays les poules font d'œufs, et l'on connaît à fond la matière imposable. Ce qu'on connaît le moins sont les hommes ; et ce qu'on a tout à fait perdu de vue, sont les principes qui fondent et qui maintiennent les sociétés. L'art de l'administration a tué la science du gouvernement.

Louis de Bonald – Pensées, p.1308



On sait que la statistique a pris son essor dans la seconde moitié du 18ème siècle, et que les observations de Bonald datent – probablement – du début du 19ème. Nous sommes donc en présence d’un constat très précoce, venu d’une époque où les sondages d’opinion n’existaient certes pas, et où donc on croyait que les statistiques oublient le facteur humain.
Ou plus exactement, que les facteurs humains s’appuient sur les principes politiques, et que la statistique, tout juste bonne à faire des dénombrements de production économique, est incapable d’orienter les choix politiques – sauf si on croit que les choix politiques sont déduits mécaniquement des faits économiques.
Hélas ! L'art de l'administration a tué la science du gouvernement. Le jugement est sans appel : la statistique n’est qu’un symptôme du mal qui ronge la société française, et on devine – s’agissant de Bonald – que l’oubli de la politique est redoublé d’un fait encore plus grave : l’oubli du religieux.
Mais que dirions-nous aujourd’hui ? N’entendrait-on pas : la science du gouvernement culmine dans l’art d’administrer ?
Ainsi, [que grâce à la statistique] l'on connaisse à fond la matière imposable : demandez aux créanciers de la Grèce si c’est une connaissance accessoire. Mieux même : demandez au gouvernement grec si ce ne serait pas là la condition pour que s’exerce à nouveau sa souveraineté.

No comments: