Saturday, October 29, 2011

Citation du 30 octobre 2011


Après la jouissance vient la tristesse (Post coitum omne animal tristis est)

Voilà un fait qui pourrait en surprendre quelques-uns : le blues post-coïtal était parfaitement connu de Spinoza, au point que la formule si célèbre « Post coitum animal triste » lui est due. Comme quoi, la philosophie a des ressources inespérées.
En réalité, Spinoza a écrit : Sed post illius fruitionem (= jouissance) summa sequitur tristitia (1). Donc, pas de coitum ? Pas d’animal triste ?
Si fait : Spinoza parle ici de volupté (libidinem), et on comprend bien de quoi il s’agit. Ainsi donc, l’esprit de cette citation (sinon sa lettre), est bien que le coït aboutit à un paroxysme qui introduit à la tristesse.
Tristesse : en terme spinoziste, ça veut dire que l’on perd en un instant tout ce qu’on avait gagné – ou cru gagner – immédiatement avant.
--> Et qu’est-ce qu’on avait gagné et qu’on perd immédiatement après l’orgasme ? Les messieurs répondront : une forme avantageuse, ce qui veut dire que le retour de la flaccidité est source de tristesse. Quant aux dames, j’ai lu quelque part qu’elles étaient indifférentes au processus de « blues post-coïtal », sauf quelques australiennes, ce qui mettrait en causes l’éducation… ou les hormones (voir ici). (2)
Bref : voilà un avertissement qui doit faire réfléchir : la sexualité au moment même où elle s’accomplit le plus parfaitement est source de tristesse et non de joie.
Mais quoi ? Spinoza était peut-être triste après l’amour mais est-ce une raison pour s’en passer ? Non, car si on doit rechercher le bien de l’âme ailleurs que là, ça ne veut pas dire qu’on n’en ait pas besoin pour la satisfaction de notre esprit – ou pour sa tranquillité.
Voilà l’idée : si on veut parvenir à une parfaite spiritualité, peut-être faut-il avoir déjà évacué certaines pulsions, et connu donc certaines tristesses – du reste fort temporaires.
Regardez ce qui est arrivé à saint Antoine ; voyez les effroyables hallucinations dont il a été victime du fait de son abstinence – n’aurait-il pas mieux fait de coïter un tout petit peu ? (3)
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(1) Citation complète : Nam quod ad libidinem attinet, ea adeo suspenditur animus, ac si in aliquo bono quiesceret ; quo maxime impeditur, ne de alio cogitet. Sed post illius fruitionem summa sequitur tristitia, quae si non suspendit mentem, tamen perturbat et hebetat. Honores ac divitias prosequendo non parum etiam distrahitur mens, praesertim ubi hae non nisi propter se quaeruntur, quia tum supponuntur summum esse bonum.
[Traduction : La volupté surtout enchaîne l'âme avec tant de puissance qu'elle s'y repose comme en un bien véritable, et c'est ce qui contribue le plus à éloigner d'elle toute autre pensée ; mais après la jouissance vient la tristesse, et si l'âme n'en est pas possédée tout entière, elle en est du moins troublée et comme émoussée. La poursuite des richesses ne divertit pas moins l’esprit, surtout quand on recherche les richesses pour elles-mêmes, car elle fait alors figure de souverain bien.]
(2) Si vous prenez la peine de lire le passage cité de Spinoza (§4) en entier (cf note 1) vous verrez que la poursuite des richesses est presque plus sûre pour atteindre le bien – sauf que le §5 vous avertit que la déception vous guette et qu’alors la tristesse est au rendez-vous. Post krachum, animal triste.
(3) Voir également ici

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