Plus les choses sont dures, plus on leur donne des mots faibles.
Christian Bobin, La présence (in : « Vivre quand le corps fout le camp », ouvrage collectif, page 126)
Christian Bobin cite ensuite une liste de noms de « maisons de retraite pour personnes dépendantes » : Lumière d’automne, Le fil d’argent, La rêverie, Les 4 saisons, La rose des vents, Le rayon d’or, L’aube, L’Océane, La roseraie, Les jarrdins de mon plaisir, Chez nous…
La litote et l’euphémisme font suffisamment partie de nos usages pour qu’il ne soit pas nécessaire d’expliquer la pensée de Bobin : simplement on notera que ces procédés sont un signe de la souffrance impliquée par l’évocation ainsi altérée.
Au point qu’il faudrait y trouver un indice de cette « dureté » des choses. Si les aveugles sont simplement des « non-voyants », si les sourds sont des « mal-entendants », si les cancéreux ont une « longue maladie », si les morts nous ont simplement « quittés », c’est que nous ne supportons pas de penser si peu que ce soit à la réalité qui serait évoquée directement par les expressions ad-hoc.
On pourrait donc aussi voir dans ces euphémismes un indice de notre sensibilité telle que nous la manifestons aux autres en leur parlant. Mais comme toujours, le réel est têtu, il fait retour violemment, d’autant plus violemment qu’il a été plus longtemps exclu.
- Dis, Maman, où est-ce qu’il est grand-père ?
- Il est au ciel mon chéri.
- Au ciel ? Et qu’est-ce qu’il fait là-haut ?
- Il nous regarde et il nous aime, mon chéri.
- Mais, Maman, s’il nous aime, pourquoi il ne revient pas nous voir ?
- Si il revient. Mais on ne peut pas le voir.
- Ah… Oui, je comprends… Il sera demain dans le jardin auprès de la Grosse Citrouille !
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