Le général De Gaulle... jouait de toutes les séductions quand il le jugeait utile, façon de mépriser, la pire.
François Mitterrand – La Paille et le Grain (1975)
Ce qui m’intéresse ici ce n’est pas tant qu’on y trouve un De Gaulle séducteur (ce qu’on n’imagine pas, mais enfin, c’est bien normal : le séducteur ne peut agir que masqué).
C’est plutôt cette affirmation : la séduction est une façon de mépriser.
Si le mépris est bien une attitude qui révèle « le peu d’estime qu’on a pour quelqu’un et le manque d’intérêt qu’on a à son égard » (TLF), on peut considérer que l’effort de séduction ne correspond pas à cela – en encore moins que ce soit la pire des façons de mépriser.
De surcroit, la séduction apparait comme l’arme des faibles, celle dont les courtisans usent vis-à-vis de leur seigneur. N’est pas alors un aveu de petitesse que de vouloir séduire ? En tout cas, utiliser ce subterfuge, c’est révéler qu’on est impuissant à passer en force.
Tout cela est vrai mais peut-être tout à fait secondaire. Il s’agit simplement de stratégie : la séduction est un raccourci qui épargne les manœuvres compliquées et qui met à l’abri des conséquences funestes.
Mais de toute façon, la séduction n’est pas seulement l’arme des lâches ; elle est aussi l’arme adaptée à celui qui en est l’objet. Façon de dire : je pourrais le vaincre par la force, mais je ne me bats pas avec un homme tel que lui. Il suffit de le séduire, et c’est tout ce qu’il vaut. Un peu comme les aristocrates qui, lorsqu’ils avaient des comptes à régler avec des roturiers les faisaient bastonner par leurs laquais (comme Voltaire le fut par les gens du chevalier de Rohan).
Séduire, c’est dire le peu d’estime qu’on a pour celui qu’on cherche à enjôler, et si la chose est évidente en amour (qu’on se reporte au cas de Don Juan), De Gaulle nous rappelle ici qu’on ne doit pas oublier qu’elle est aussi avérée en politique.
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