Citation du 25 octobre 2011

Il n'y a pas de bonne cuisine si au départ elle n'est pas faite par amitié pour celui ou celle à qui elle est destinée.

Paul Bocuse – Entretien avec Bernard Pivot - Janvier 1976

Cette citation éclaire ce qui pour moi est une source d’étonnement : dans les programmes de la télévision française, nombre d’émissions sont consacrées à la préparation culinaire, avec en prime, le repas pendant lequel les convives se partagent les plats qu’on vient de cuisiner.

Elle éclaire aussi la surprise de voir avec quelle véhémence les gastronomes condamnent les préparations industrielles, quand bien même elles ne porteraient que sur des élaborations qui demandent à être cuisinées au dernier moment. (1)

Bref : on l’a compris, la cuisine est non pas seulement ce qu’il y a dans l’assiette, mais aussi une relation humaine entre celui qui cuisine et celui ou celle à qui elle est destinée. Pour ma part j’ajouterai les éleveurs, les maraichers, les poissonniers, les agriculteurs etc… avec les quels le cuisinier est en relation quand il va faire son marché (car il fait son marché) : il n’y a pas de bonne cuisine non plus sans de bons ingrédients, et pas de bons ingrédients sans des gens qui les élaborent et en qui on peut avoir toute confiance.

Ça fait du monde…

Mais enfin, pourquoi pas. En tout cas, ça éclaire aussi un autre mystère qui porte sur les motivations des cuisiniers (amateurs en particulier) : qu’est-ce les qui pousse vers la cuisine alors qu’ils auraient pourtant la possibilité de s’en dispenser ?

Certains estiment qu’il s’agit d’assumer la part maternelle de l’individu en question : il voudrait être le nourrisseur, et à défaut de donner le sein, il donnerait à ses amis ces préparations qu’il a tirées de son savoir-faire. D’autres pensent plutôt qu’il s’agit de récupérer un pouvoir sur les gens : leur donner à manger, c’est les dominer par leurs besoins. D’autres encore pensent que la gastronomie confine à l’art amoureux, et que cuisiner c’est séduire.

Finalement songer qu’il s’agit plutôt de partager un bon moment avec des amis est certainement plus débonnaire.

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(1) En France, un projet de loi prévoit même d’imposer aux restaurants de préciser sur leur carte, les plats qui comporteraient de tels éléments non préparés en cuisine.