Citation du 13 mai 2011

Les odeurs, comme les sons musicaux, sont de rares sublimateurs de l'essence de la mémoire.

George du Maurier – Peter Ibbetson

Il y a différents types de souvenirs : ceux qui nous viennent des odeurs et des sons musicaux sont d’une nature très particulière, car ils ne sont pas affectés par le temps, ils pourraient même ne pas surgir du passé, tant leur ressemblance avec les sensations présente est grande.

Il faudrait pour être exact ajouter à ces souvenirs ceux qui sont liés aux saveurs ; d’ailleurs les œnologues nous le disent : le vin se goute autant – et même plus – avec le nez qu’avec la bouche. Et le célèbre page de Proust sur la petite madeleine est une référence absolue à cet égard. (1)

Petit rappel – le narrateur qui boit du thé en grignotant une madeleine se sent envahi par un bien-être disproportionné au plaisir qu’on peut trouver à ces aliments : la saveur des petits morceaux de madeleine émiettée dans le thé ou le tilleul ressuscite un moment du passé avec tous les détails oubliés, et cela non pas comme un passé, non pas comme souvenir de ce qui a été vécu autrefois ; mais bien comme ce qui s’éprouve exactement dans la fraicheur de la première fois – avec éventuellement la nostalgie en plus.

Il faut dire pourtant que cette faculté de la mémoire n’est pas totalement positive : car il y a bien des cas où nous ne souhaitons pas revivre le passé. C’est le cas du traumatisme et c’est le cas de la faute, qui nous obsèdent parfois au point que leur oubli soit conçu comme le seul bonheur que nous puissions espérer : les insomnies de Macbeth sont peuplées du souvenir obsédant de l’horrible assassinat qu’il vient de commettre.

Si nous pouvions choisir nos souvenirs – du moins ceux qui donnent ainsi l’occasion de réminiscence, nul doute que nos meilleurs moments seraient ceux où nous aurions l’occasion de revivre des moments heureux et non des épisodes désagréables.

Mais au fait n’est-ce pas cela que nous faisons en retournant sur nos lieux de vacances, en mettant le même parfum avant d’aller au spectacle, en passant la même musique dans nos diners intimes ?

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(1) A télécharger ici.