Et qui des deux, à votre avis, fait un plus grand outrage à Jésus-Christ, ou celui qui l'abandonne dans les tourments, ou celui qui le renonce dans les délices ?
Louis Bourdaloue - Sermon sur l'impureté
Notre époque est impitoyable : Bourdaloue n’est plus connu aujourd’hui que des pâtissiers et des collectionneurs de pots de chambre (cf ici) et nous-mêmes n’avions alors guère encensé cet éloquent défenseur de la foi chrétienne (contre-réformée il est vrai).
Tentons de nous racheter.
Supposez que vous soyez entrain de jouir du plus complet délice que la vie puisse vous apporter : la jouissance du goût, ou celle de l’œuvre d’art la plus délicate, ou encore celle du sexe ; et que là, tout à coup, Bourdaloue vous apparaisse portant la croix du Christ. Ça va vous couper toutes vos sensations, n’est-ce pas ?
Eh bien c’est précisément à ça que vise ce sermon : les plaisirs sont aussi une façon de faire périr le Christ, en nous détournant de Lui, en refusant le salut qu’il nous apporte. Le seul moyen d’être un bon chrétien c’est de renoncer aux délices, pour ne pas outrager le Seigneur.
Angoisse et tremblement… Faisons amende honorable, et demandons-nous à quels plaisirs il convient de renoncer. Les délices sont-ils des plaisirs d’un genre particulier, ou bien n’importe quel plaisir est-il coupable ?
Cette question n’est pas anodine, parce que c’est elle qui a occasionné les débats les plus acharnés sur l’éthique de la vie quotidienne aux 17ème et 18ème siècles. Qu’on se rappelle la polémique sur les théâtres entre Rousseau et d’Alembert (1).
La question est bien entendu de savoir si les plaisirs – tous les plaisirs – ne sont pas de fait condamnables, et si seules les angoisses de l’existence pécheresse sont véritablement salvifiques (2). L’église de la contre-réforme est quand même celle qui cultive l’angoisse et qui jette l’homme dans les affres de la peur pour ensuite montrer qu’elle est la seule à pouvoir y apporter remède.
Au fond, les gens comme Bourdaloue ne nous demandent pas tout à fait de renoncer aux plaisirs. Ils nous disent plutôt :
- Les plaisirs ne sont rien d’autre que ce qui nous cache la souffrance, c’est un analgésique et rien d’autre. Nous vous proposons la véritable guérison : restez dans la voie de Notre-Seigneur, car c’est là que vous trouverez le pardon et la paix.
Vas en paix, car tu es pardonné.
…Et au fond, n’est-ce pas cela que nous aimerions entendre, même si on attend ces paroles plutôt de notre père que du Père Eternel ?
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(1) Encore qu’il ne s’agisse pas vraiment du salut de l’âme. A lire ici. Remarquez que ce site transforme votre écran en e-book – occasion de vous faire une opinion à ce sujet au cas où notre précédent Post ne vous aurait pas suffisamment éclairé.
(2) Mot du jour – SALVIFIQUE, adj.THÉOL. Qui a le pouvoir de sauver. (TLF)
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