Haïr, c'est aimer, c'est sentir son âme chaude et généreuse, c'est vivre largement du mépris des choses honteuses et bêtes...
Emile Zola – Mes haines
Haïr, c'est aimer… Ce paradoxe a un petit côté Novlangue (pour faire référence à au Meilleur des mondes où Huxley montre qu’un pouvoir totalitaire est capable d’aller jusqu’à la manipulation du langage).
Tentons néanmoins de prendre au sérieux cette phrase d’Emile Zola. Elle nous dit que la haine est une bonne chose et qu’elle serait mieux appropriée que l’amour, et qu’on pourrait donc remplacer le commandement christique de l’amour du prochain par : haïssez-vous les uns les autres…
Scandaleux ? Peut-être. Mais on aura observé que la citation de Zola ne fonctionne quand même pas si mal que ça. Car ce que Zola nous donne ici, c’est une idée développée de ce qu’il appelle amour, et donc un moyen de comprendre ce qu’est la haine telle qu’il l’entend.
- Aimer, c’est sentir son âme chaude et généreuse : qui donc le nierait ? Aimer, c’est être la source d’où s’écoule notre âme entière un peu comme l’Univers procède chez Plotin de l’Un primordial. Par l’amour nous rayonnons comme la chaleur et la lumière rayonnent du soleil.
Donc tout cela, la haine nous le procure aussi ? Comme l’amour nous fait vivre de l’adoration de la beauté et de l’intelligence, la haine nous fait vivre du mépris des choses honteuses et bêtes ?
Peut-être… Mais je ne peux m’empêcher de penser que la joie que nous donne la haine est une joie un peu limitée, car elle ne s’apparente à l’amour que par le narcissisme. La haine, c’est en effet la jouissance de la distance qui me sépare de ce qui est haïssable. La détestation de ce qui est méprisable me donne un point de vue révélateur de ma hauteur. Puisque je déteste ce qui est bas, c’est que je suis haut.
Il n’y a quand même pas de quoi remplir une existence de félicité. Juste de quoi échapper à la détestation morose. C’est déjà ça.
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