L'action politique, à certaines heures, est comme le scalpel du chirurgien, elle ne laisse pas de place à l'incertitude.
François Mitterrand – Ma part de vérité
Roland Dumas raconte : à la veille de la guerre du Golfe (il est alors aux Affaires étrangères), Mitterrand le fait rentrer de vacances (nous étions au mois d’aout). Dès qu’il pénètre dans le bureau du président, Mitterrand lui dit : « Les Etats-Unis vont attaquer l’Irak. Que faisons-nous ? »
Dumas temporise et explique les avantages et les inconvénients d’une intervention militaire, compte tenu de l’équilibre des forces dans la région… Mitterrand le coupe : « Je ne vous demande pas de me faire un cours de Science-Po. Je vous demande : que faisons-nous ? ».
Alors Roland Dumas répond (c’est du moins ce qu’il écrit dans son livre) : « Président, les Etats-Unis sont nos alliés. Nous devons y aller ».
C’est cela qu’il est bon de se rappeler quand on porte un jugement sur les décisions politiques et sur l’intransigeance qui les oppose parfois aux contestations populaires. Comme le scalpel du chirurgien, l’action politique est sans retour – et comme le chirurgien, le chef politique peut se tromper. Mais ce qui les rapproche surtout c’est que l’hésitation – ou si on veut l’abstention – n’est pas pour eux une option.
Rappelons-nous l’époque où la médecine n’étant pas encore ce qu’elle est devenue, il arrivait que l’accoucheur demande au père : « La mère ou l’enfant ? » : hésiter, refuser de choisir, c’était la mort pour les deux. Eh bien la vie politique pourrait aussi passer par là. Choisissez : l’investissement des entreprises ou les salaires ? (1)
La démocratie, c’est quand le peuple demande à tenir lui-même le scalpel. Ou du moins quand il peut licencier le chirurgien qui n’a su sauver ni la mère ni l’enfant.
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(1) Je donnerais raison pour une fois à ceux qui ricaneraient en me lisant et qui ajouteraient : « Il a oublié les dividendes ! »
C’est vrai mais c’était un peu long de discuter pour savoir si ça aussi pourrait faire partie des choix politiques.
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