On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre.
Proverbe
Spéculation III
J’ai entendu ce proverbe cité pour la 1ère fois par Pierre Maurois ; c’était lors du lancement du plan d’austérité, en 1983. J’ai comme l’impression que la période que nous vivons maintenant nous invite à revisiter nos souvenirs de cette époque…
Le beurre et l’argent du beurre… On associe l’argent que nous avons dans notre poche avec le bien qu’il va nous permettre d’acheter, mais il ne faut pas confondre les deux : quand l’un est là, l’autre n’y est pas encore – et réciproquement. Ce qui est dénoncé ici, c’est un fantasme qui chercherait à réitérer la jouissance de l’achat indéfiniment, car, si acheter est un plaisir, on ne peut pourtant acheter qu’une fois avec une somme donnée – ça va de soi. (1)
Mais justement : retrouvons encore une fois nos amis spéculateurs ; ils vont nous montrer bien des choses étonnantes.
- D’abord, qu’on peut avoir le beurre sans avoir l’argent du beurre. Non pas à crédit comme vous et moi, mais avec l’argent récupéré en vendant à la fin du mois (= à terme) le bien acquis un peu plus tôt en le payant à ce moment là au prix du jour d’achat. Vous me suivez ? Ça s’appelle le marché à terme.
- D’un certain point de vue, dès que je fais un bénéfice, je possède bien le beurre et l’argent du beurre : je pourrais par exemple ne revendre qu’une partie de mes marchandises correspondant au prix d’achat et conserver un reliquat égal au bénéfice réalisé. Vous me suivez toujours ? J’explique : si j’achète 100, je revends 100. Si ce que je revends vaut désormais 110, je garde la marchandise valant 10.
La condition pour que ça marche, c’est qu’il faut vendre pour faire un bénéfice. Si je mange mon beurre au lieu de le revendre, c’est fini.
Autrement dit, ce que la spéculation a de particulier, c’est qu’elle se refuse à consommer ce qu’elle échange : c’est exactement ce qu’on sait depuis que le mercantilisme existe (c'est-à-dire depuis le 16ème siècle…).
Bref : vive le crédit, c’est bon pour s’enrichir – à condition que ce ne soit pas du crédit à la consommation.
(1) Deux fois : une fois de trop, disait notre Post du 13 mai dernier
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