Quiconque jouit trop est bientôt dégoûté ;
Il faut au bonheur du régime.
Florian – Le Cheval et le poulain
En cette période de crise et de serrage de ceinture, le sacrifice suprême risque d’être une abstraction sans intérêt ; seul compte l’acceptation des réductions drastiques imposées au train de vie...
Voilà pourquoi, ça y est, c’est décidé : à la rentrée prochaine, dans les écoles, au lieu de lire la lettre de Guy Mocquet, on fera écouter aux enfants cette fable de Florian. On dit même qu’ils devront l’apprendre par cœur…
Avouez que c’est bien le moins qu’on puisse faire pour nous consoler en cette période de crise : apprendre que la privation est la condition de la jouissance et que le désir s’accroît quand l’effet se recule (1)
Voyez comme les choses changent : autrefois, en période de disette, le discours des autorités, tout imprégné de religion, était bien différent :
« Vos souffrances sont méritées : Dieu vous les inflige pour vous punir de vos péchés. Remerciez Le donc pour tout ce qu’Il vous fait endurer, car c’est la condition qu’Il a fixée pour obtenir votre pardon. »
Venue la période révolutionnaire, on a entendu autre chose :
« Citoyens ! La Nation a besoin de vous ! Donnez ce que vous possédez, donnez vos enfants, donnez votre vie. Mourir pour la patrie est le sort le plus beau ! » (air connu)
Certains protestèrent : ils voulaient bien mourir disaient-ils, mais pas de faim. Alors on leur rétorqua qu’aucun confort ne saurait leur apporter autant de joie que celui justement du sacrifice fait par amour pour la France.
Mais – autre temps, autres mœurs – aujourd’hui on entend un autre refrain. La jouissance par la consommation, nous dit-on est notre seule raison de vivre. Mais la sagesse nous commande de fuir le dégoût de la satiété : à trop consommer, le plaisir nous fuit. Quiconque jouit trop est bientôt dégoûté ; / Il faut au bonheur du régime…
Réduisez votre appétit.
Et donnez ce qui vous reste au fisc.
(1) On aura reconnu l’étonnante citation de Corneille qui faisait déjà nos délices en mars 2006…
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