Il y a une grande différence entre un bon et un mauvais médecin, mais il y en a très peu entre un bon médecin et pas du tout.
Arthur Young – Voyages en France – Année 1787 (Editions Taillandier p. 164)
On peut considérer en lisant la date à la quelle fut écrit ce passage que Young vise l’état d’arriération où était encore restée la médecine en 1787 : en effet si les médecins étaient tout juste bons à hâter la mort de leurs patients, mieux valait ne pas en avoir du tout (1).
Mais on peut se dire aussi – en lisant l’ouvrage de Young – que ce qu’il exprime là est directement inspiré par sa conception libérale de la vie et de la société. La nature est selon lui le meilleur moyen de conserver la santé, et le rôle de la médecine est de faciliter son influence. Autant dire qu’elle doit être essentiellement hygiéniste.
Le Journal de voyage en France est à cet égard instructif : Young y reproche d’une part à la noblesse française de négliger de faire fructifier son domaine agricole ; et, d’autre part, à l’organisation de la propriété de maintenir presque partout le métayage qu’il rend responsable de la misère paysanne. Contre quoi il faut comprendre que la fertilité du sol et l’enrichissement des paysans est la condition du progrès.
La propriété privée généralisée stimule l’activité industrieuse et donc l’enrichissement. La richesse est bonne car elle est le facteur essentiel du progrès social sous toutes ses formes (2). La révolution dont rêve Young est celle qui renverserait cette paresseuse noblesse de France pour mettre à sa place une autre noblesse, soucieuse de rendre fertile la terre et qui mobiliserait pour cela les agronomes au rang des quels se compte justement Young.
Il serait néanmoins injuste de dire qu’Arthur Young se contente de prêcher pour sa paroisse. De fait il nous permet de mesurer l’écart qui s’est creusé entre deux civilisations en pleine mutation : la française et l’anglaise.
Car, alors qu’en France les élites pensent au progrès des Lumières et imaginent un Etat composé de Citoyens-Philosophes, en Angleterre on recherche dans la science les procédés qui vont développer l’industrie et favoriser le commerce. D’un côté le progrès des consciences ; de l’autre celui des banques (3).
Même si tout ça est bien poussiéreux aujourd’hui, qui donc prétendrait que l’opposition entre ces deux systèmes est caduque ?
(1) On dit que Descartes, à l’agonie, a renvoyé le médecin dépêché auprès de lui par la reine Christine de Suède en disant que s’il devait mourir il mourrait plus heureux sans l’avoir vu.
(2) Le fameux enrichissez-vous ! de Guizot – au même titre que la fable des abeilles – doit être interprété dans ce sens.
(3) A ne lire que par ceux qui ronchonnent contre l’innocent auteur de ce Post : c’est vrai qu’en Angleterre on a aussi valorisé les lumières, même qu’on leur a donné un nom : Age of Enligtenment. Je ne fais que schématiser l’influence que ce mouvement qui a été incomparablement plus développé en France.
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