(Il) vaudrait mieux faire vouloir aux lois ce qu'elles peuvent, puisqu'elles ne peuvent ce qu'elles veulent.
Montaigne Essais, I, 23
Je veux chercher si dans l’ordre civil il peut y avoir quelque règle d’administration légitime et sûre, en prenant les hommes tels qu’ils sont, et les lois telles qu’elles peuvent être.
Rousseau – Du contrat social (Livre I, Préambule)
La loi ne peut édicter n’importe quelle obligation. Elle ne peut imposer ce qui est inaccessible, parce qu’elle ne peut transformer les hommes.
Dira-t-on que la loi ne cherche pas à opérer une telle transmutation, parce qu’en réalité elle ne prescrit pas ce qu’il faut faire, mais seulement ce qu’il ne faut pas faire ? Qu’elle nous donne des bornes à ne pas franchir ?
Pourquoi pas ? Mais là encore ces bornes doivent être compatibles avec la réalité ; les pays qui se sont essayés à réglementer les mœurs sexuelles des individus se sont heurtés à cette impossibilité ; et ceux qui ont voulu proscrire la consommation de substances excitantes ou hallucinogènes ont rencontré la même impossibilité. On dit que la prostitution est le plus vieux métier du monde. Croit-on que jamais aucun législateur ne s’est essayé à la proscrire ?
Oui, mais alors, à quoi bon des lois si elles ne peuvent imposer que ce qui existe déjà ? Si la loi doit se contenter de réglementer ce qu’elle ne peut empêcher, alors admettons que sa portée est loin de correspondre à la force qu’on lui suppose habituellement…
J’en étais là de mes réflexions quand m’est parvenue l’information concernant les « apéros géant » organisés sur tweeter. Je remarquais aussitôt l’embarras des autorités : voilà des manifestations qui leur échappait totalement, le loi n’ayant que peu de prise sur elles, simplement parce qu’elles paraissaient résulter de la spontanéité individuelle et non d’une entreprise véritablement concertée.
L’autorité peut agir que là où un pouvoir– ou plutôt un contre-pouvoir – lui fait face. C’est pour cela que la nature humaine avec ses caractéristiques silencieuses mais inexorables lui échappe radicalement.
Telle est la limite du champ d’action de la loi.
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