Tuesday, May 25, 2010

Citation du 23 mai 2010

Connais-toi toi-même. Maxime aussi pernicieuse que laide. Quiconque s'observe arrête son développement. La chenille qui chercherait à bien se connaître ne deviendrait jamais papillon.

Gide – Les nouvelles nourritures, p.224, Folio


Connais-toi toi-même : on sait que Socrate – selon Platon – définissait ainsi la sagesse, et qu’au lieu de faire croire que la sagesse consistait à percer les mystères de l’univers et des Dieux, il assignait à cette science suprême l’objet le plus proche : soi-même.

Gide ironise et feint de croire que la connaissance de soi est incompatible avec le développent de soi. Comme si on ne se connaissait pas justement au moment où ça bouge en nous ; au moment où ça se développe – bref au moment où ça nous surprend…

La connaissance de soi serait alors solidaire de nos mutations. La chenille prend alors conscience d’elle-même en devenant papillon.

En fait l’avantage de cette citation de Gide est de nous interroger sur la procédure : comment faire pour se connaître soi même ?

- Faut-il se regarder dans une glace ? Oui si on veut. Mais alors ce qu’on voit c’est toujours la même chose : son propre regard inquisiteur.

- Faut-il comme le suggère Aristote se regarder soi-même dans l’exemple de nos amis, puisque selon lui nos amis sont notre double ?

Cette page d’Aristote (1) mérite d’être relue : pour se connaître, il ne s’agit pas de s’observer comme dans le miroir, mais de se voir vivre, agir et réagir. C’est l’autre moi-même (mon alter ego mon ami, mon semblable – ou si on veut l’autre quelconque, l’individu lambda)) qui est révélateur, et la leçon qu’on peut en tirer c’est que avant que nous condamnions les autres ou que nous les admirions, ils sont d’abord des occasions de nous condamner ou de nous admirer en eux.


(1) Aristote, Les Grands livres d’éthique – 1213a (Traduction Catherine Dalimier ed. Arléa, p. 217)

No comments: