(Il y a) un certain respect qui nous attache, et un général devoir d'humanité, non aux bêtes seulement qui ont vie et sentiment, mais aux arbres et aux plantes.
Montaigne – Essais, II, 11
Je pourrais titrer ce Post : Montaigne, notre contemporain comme je l’ai fait pour La Fontaine, tant il apparaît que nos préoccupations actuelles (écologistes en l’occurrence) sont déjà présentes dans les Essais.
Nous avons donc un devoir de respect vis-à-vis de la nature, du brin d’herbe dans le pré jusqu’à ruminant qui le mange.
Toutefois, sur le plan philosophique comme sur le plan juridique ces déclarations de bonnes intentions font un peu difficulté : comment aurais-je un devoir vis-à-vis d’un être qui n’en a pas à mon égard ? Sur quoi fonder une telle éthique ? Ou si on veut sur quelles lois, sur quels principes construire un droit des animaux ?
Pour ce qui est du droit des animaux, je me contenterai de renvoyer aux textes des anglo-saxons qui sont bien en avance sur nous (1).
En philosophie, on a une vue assez large du problème et de ses solutions à travers l’histoire de la philosophie chez Elisabeth de Fontenay (2).
Il y a en gros deux fondements au droit des animaux :
– l’un qui consiste à dire qu’à travers l’attitude des hommes à l’égard du monde vivant se dessine celle qu’il doit avoir vis-à-vis de ses semblables, le respect de la nature vivante étant l’indicateur du respect que nous portons aux autres – en bref, que le respect de la vie animale est un problème finalement politique.
– l’autre qui développe une vision holiste (3) de la nature. Nous sommes des animaux parmi d’autres, ce que nous leur faisons nous le faisons aussi à nous-mêmes parce la nature forme un tout non compartimenté (4).
C’est ainsi que la citation de Montaigne reprend toute sa vigueur. Qu’avons-nous à faire des herbes des champs ? Ne sont-elle pas si éloignées de nous qu’on peut les détruire si elles nous gênent sans nuire à nous-mêmes ? Mais la nature est un tout : ce qui nuit aux herbes des champs nuit aux abeilles ; et ce qui nuit aux abeilles nuit aux arbres ; et ce qui nuit aux arbres nuit à nous-mêmes.
On ne peut faire couler le navire sans couler avec lui.
(1) Voir ici.
(2) Elisabeth, pas Geneviève, bande de nazes. Lisez plutôt son livre : Le silence des bêtes, chez Fayard (voir ici)
(3) Holisme (mot du jour) : Doctrine ou point de vue qui consiste à considérer les phénomènes comme des totalités (TLF)
(4) On trouve ça ne particulier chez les stoïciens.
No comments:
Post a Comment