Si tu remerciais Dieu pour toutes les joies qu’il te donne, il ne te resterait plus de temps pour te plaindre.
Maître Eckhart (Mystique rhénan du XIIIème siècle)
On peut être un mystique rhénan du XIIIème siècle et écrire des phrases comme celles-là (sans doute empruntée à un sermon) frappée au coin du bon sens. Que diraient de plus les optimistes à tout crin, ceux qui affirment doctement qu’il faut regarder le bouquet au milieu de la table plutôt que la tache sur le bord de la nappe…
Mais il vaudrait mieux prendre un peu d’altitude : Maître Eckhart ne nous invite sûrement pas à faire la comptabilité de nos joies et de nos peines. Ce souci d’apothicaire serait bien peu digne d’un tel esprit.
Reste que j’ai quand même comme un doute : qui sait si mes joies résisteraient à un seul chagrin bien mordant ? Par exemple : un deuil – voilà qui ruine toutes les joies, qui stérilise les beautés du printemps et empêche de ressentir le plaisir sous toutes ses formes. Un seul être vous manque comme dit le poète…
Je suppose donc que ce qu’il faut retenir du conseil de Maître Eckhart, c’est que nos joies nous ont été données par Dieu. Qu’elles sont quelque chose de gratuit – après tout Il ne nous doit rien – et que nous devons les recevoir comme une grâce. En revanche, nos peines sont les nôtres parce qu’elles relèvent de notre situation de créature, à l’horizon borné par notre égoïsme et nos passions (et par le péché originel ? Oui, pourquoi pas…)
Il suffit de lire Leibniz pour le savoir : le mal n’est en fait qu’un bien qu’on ne comprends pas. S’en plaindre c’est perdre son temps.
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